Après 40 ans de prostitution, je m’en suis sortie ! Comme une fleur qui éclot, qui s’ouvre et qui s’épanouit, j’ai transcendé mon histoire de vie. La Maison de Marthe a été la partie la plus déterminante pour ma guérison.
Quand tu as basculé 40 ans dans la prostitution, que tu as vécu sans l’amour de tes parents à la base, tu deviens une marionnette, une proie facile pour ce monde qui n’est pas toujours rose. À 54 ans, j’étais encore dans l’industrie du sexe, mais vraiment sur la fin. Même avec tout le bagage que j’avais, après 16 ans de démarches personnelles, j’étais consciente que j’avais progressé, mais il restait encore quelque chose de coincé. Le chemin pour me rendre à la délivrance a été difficile, mais la liberté n’a pas de prix. Je ne suis plus une victime, je suis maintenant un sujet.
Un jour d’octobre 2016, j’avais demandé à la vie de me donner un signe. Je savais qu’au plus profond de mon âme, j’étais rendue à une étape décisive de ma vie. J’ai eu un déclic et la vie m’a souri : J’ai entendu à la radio le témoignage de deux femmes qui fréquentaient La Maison de Marthe. J’ai donc appelé à l’organisme et ce fut le départ d’une très belle aventure.
Quand je suis entrée dans la maison, j’ai tout de suite eu un sentiment d’appartenance. Au plus profond de moi-même, je sentais que la guérison était à ma portée. À cet endroit, j’ai reçu une écoute sans condition et sans jugement. On m’a accueillie comme j’étais, à ce moment-là de ma vie. J’ai participé à certaines rencontres avec d’autres femmes, mais le MIGS [recorporalisation] a eu un effet déterminant sur ma guérison. Ce programme m’a permis d’aller traiter mes traumatismes à la source. Ma proxénète était ma propre mère. Vous comprendrez bien que je viens de loin. J’y ai aussi fait mon récit de vie. Cet exercice m’a permis de vivre des émotions qui étaient profondément enfouies et de faire une introspection sur ma trajectoire. Avec le recul, ça m’a fait prendre conscience que j’étais blessée plus que je le pensais, attachée à un poteau comme un animal.
Après un passage d’un an et demi à La Maison de Marthe, j’ai appris à me pardonner cette partie de moi-même. D’une certaine façon, j’étais programmée et je me suis déprogrammée. Aujourd’hui, je suis libre de toutes ces anciennes croyances qui m’ont détruite. Je me suis reconstruite : j’ai une identité propre et des valeurs qui viennent de moi. Je suis maintenant une femme fière, accomplie, autonome et avec une belle estime d’elle-même. J’ai retrouvé une immense joie de vivre et l’enfant en moi. Déterminée, vivante et pleine de couleurs, je suis maintenant une femme remplie d’espoir et de projets.
Merci aux intervenantes de La Maison de Marthe, qui déploient le meilleur d’elles-mêmes pour être à l’écoute des femmes, avec des valeurs humaines de compassion et de bienveillance. Elles font partie de la femme vivante que je suis maintenant.
Je suis une jeune femme de 35 ans. Pour moi, la prostitution s’est échelonnée sur une durée d’un an et demi en tout. Je n’ai jamais pensé que cette expérience, somme toute pas très longue, laisserait dans ma vie autant de dommages aussi profonds. J’inclus dans ce bilan la dévastation de mes relations interpersonnelles et sociales et des dommages irrémédiables auprès de mes enfants et de ma famille. Je ne peux estimer les torts laissés à mon corps, mon âme et l’estime de moi, mais le constat de destruction est flagrant. Ma sexualité demeure, pour le moment, affligée de dommages irréparables et les ravages sont aussi colossaux dans toutes mes relations avec les hommes. Ces hommes… « mes clients »… Ces exploiteurs, mes abuseurs, ces pervers, mes pourvoyeurs d’argent et de matériel, mes inconscients, ces hommes… que je ne pourrai plus jamais voir avec les mêmes yeux.
Je suis incarcérée depuis maintenant deux ans et quatre mois. J’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir à tout ce qui s’est passé. Des visages de clients me reviennent en tête, avec des scènes de certaines exigences plus que particulières… C’est certain qu’à mes programmes de réhabilitation, le sujet revient souvent sur la table. Lors d’une séance de thérapie, une femme disait récemment que la prostitution n’avait rien changé dans sa vie. Je n’arrive pas à y croire ! On ne peut pas vendre sa sexualité, son intimité, son âme, sa sensibilité, sa dignité, sa féminité, son odeur, sans en subir de conséquences. C’est humainement impossible. Au moment de l’acte sexuel, il se produit une dissociation, comme si ce que je ne voulais pas salir allait se réfugier quelque part en moi… tout devient mécanique, comme si un autre prenait cette place dégoûtante où je ne veux pas être… comme si je repoussais mon humanisme pour pouvoir passer au travers et « faire mon client ». Mais on ne peut pas se détacher complètement, et lorsque le client remonte ses culottes, je n’ai rien oublié. Et c’est lui qui a le beau rôle, car, une fois ses culottes remontées, il reprend sa vie là où il l’a laissée une heure plus tôt. C’est-à-dire qu’il redevient un père, un « honnête citoyen », un bon travailleur ou un patron super, un mari « aimant », un homme respecté par sa famille et ses amis… Moi, je reste la pute…
Ma sexualité a débuté à l’âge de quatre ans, imposée par un pédophile pervers. Cet événement a complètement marqué ma sexualité, amorcée beaucoup trop tôt. Plus tard, j’ai vécu une longue relation avec un conjoint. Nous avons été ensemble 8 ans et j’en garde des repères d’une sexualité saine et épanouie. Cela me permet de comparer l’avant et l’après de la prostitution et, prenez-en ma parole, tout a changé… J’étais une femme qui avait une bonne libido et si mon amoureux s’absentait quelques jours, je vivais des pensées érotiques liées à lui. Aujourd’hui, depuis mon vécu de prostitution, mon imaginaire sexuel se limite à des « flashbacks » de situations où je me suis retrouvée avec des clients et dont je ne voudrais jamais parler à qui que ce soit. Ces situations étaient humiliantes et, aussi bizarre que cela puisse paraître, la honte revient frapper à ma porte dès que je repense à ces séquences, qui me font peur.
Je me dis qu’il n’est pas possible que les mères et les grand-mères québécoises souhaitent une telle condition pour leurs filles et leurs petites-filles ! D’autres parlent de réduire la violence en légalisant la prostitution… Quand tu te retrouves dans une chambre de motel ou dans une voiture, le danger sera toujours le même, et ce n’est pas la légalisation de la prostitution qui va faire en sorte que les hommes « malades » ne soient plus en circulation. Je ne crois pas que l’on puisse quantifier la souffrance qu’entraîne la prostitution, sous une forme ou une autre.
À toi mon prostitueur,
Tu me connais sous le nom de Mia, Marie-Soleil, Maria, Natasha… Tu vois en moi une fille chaude, sexuellement plus extravertie et accomplie que les autres filles. Tu me demandes de répondre à tes besoins, à tes fantasmes secrets. Tu désires que je sois ouverte, que je repousse mes limites pour ton plaisir… Et naïvement tu aimes te faire croire que moi-même j’y prends mon pied.
Pour toi, je suis la maîtresse, la fille de joie, la travailleuse du sexe, l’escorte, la pute. Tu ne vois aucun mal à notre relation secrète, tu en monnayes l’intimité. Je suis la fille ouverte qui t’aide à te déculpabiliser d’avoir ces pulsions que seule, moi, je peux assouvir.
Maintenant, j’aimerais me présenter. Je m’appelle Marie, j’ai 26 ans. J’ai commencé à me prostituer à 20 ans. J’ai grandi à la campagne, seule avec ma mère qui dansait pour nous faire vivre. Sans que je le veuille, dès l’âge de quatre ans, un homme a tracé le sillon qui m’a amené à faire le métier que je pratique.
Une des premières choses que j’ai apprises, c’est que la mesure de l’amour est égale à l’excitation que l’on procure. Et seul Dieu sait mon immense besoin d’amour ! Alors ça n’a pas été compliqué pour moi de devenir prostituée et d’être une des meilleures dans mon domaine. Avec toi, je perds mon identité ; j’ai perdu aussi le contact avec mon corps. Je ne m’appartiens plus. Le seul plaisir que je retire de notre relation est la vengeance de te faire payer pour tes bas instincts qui me font tant souffrir.
La prochaine fois que je te dis que j’aime ça… ne me crois pas, je me mens !
Aujourd’hui, toi et moi, c’est fini ! Je veux m’appartenir et ne plus oublier qui je suis. Parce que dans tes bras, je me trahis : je deviens mon propre agresseur.
Je suis une survivante de la traite humaine
Quand j’ai commencé dans la prostitution, c’était parce que je manquais d’argent pour acheter de la nourriture et payer mes comptes, pour moi et mes enfants.
Rapidement, je me suis retrouvée maltraitée par l’agence d’escortes. Selon eux, pour garder ‘’ma place’’ je devais fournir davantage d’heures, ou moins, dépendamment de leurs désirs d’essayer d’autres femmes ou non.
J’ai changé d’agence malgré leurs menaces et je me suis alors retrouvée à devoir redonner plus de 50% de mes gains pour l’agence et pour un revendeur de drogue qui m’obligeait en collaboration avec cette agence à acheter de la drogue. Au début, je ne la consommais pas, et pas longtemps après je me suis mise à consommer cette drogue qu’ils m’obligeaient à acheter. Ils m’ont ainsi prise au piège. J’y retournais toujours, j’étais devenue accrochée à la drogue et j’avais peur d’eux.
Perte de la garde de mes enfants, séjours en psychiatrie, en prison, itinérance, tentatives de suicide, maltraitance de la part des policiers, de l’agence et des clients, perte d’estime, de confiance, la maladie, la dépendance grave aux drogues dures, l’intoxication involontaire au GHB, subir des viols, subir de la violence verbale- physique- matérielle- mentale et anomie sont des conséquences graves que j’ai vécues.
Rose Dufour m’a trouvée. J’étais presque morte. Elle a pris beaucoup de temps avec moi pour me parler de La Maison de Marthe. J’ai tout de suite senti de la confiance en elle et j’ai commencé à la fréquenter. J’ai appris que je ne suis pas la seule à vivre ces hauts et ces bas dans la sortie de la traite humaine et j’ai trouvé un sens à ma vie. Les intervenantes de La Maison de Marthe et Rose Dufour m’ont soutenues nuit et jour, semaines et fins de semaine. J’ai trouvé de nouvelles amies qui avaient elles aussi vécu la traite humaine. Par leur témoignage et leurs encouragements, elles m’ont donné la conviction que je pouvais moi aussi vivre sans crainte et m’épanouir.
Avec La Maison de Marthe, j’ai retrouvé mes forces, mes qualités, mes aptitudes. J’ai participé à plusieurs activités, les sorties, les ateliers-conférences et les ateliers de loisirs, le groupe d’entraide, les Assemblées générales et le Conseil d’Administration.
J’ai connu beaucoup de monde ; des groupes de femmes, des bénévoles, des professionnels, des artistes, des professeurs, des gens de tous les milieux, et de partout sur la planète qui nous appuient et qui sont présents pour nous soutenir.
J’ai appris comment je peux me soigner de ces traumatismes. J’ai reçu des soins incomparables et personnalisés, dont l’approche MIGS (modèle d’intervention globale en sexologie). Les intervenantes de La Maison de Marthe sont qualifiées pour aider les femmes à sortir de la prostitution, et ce à tous les niveaux.
Les formations disponibles dans ces années-là étaient plus rares et la volonté, la détermination et l’efficacité pour m’aider à travers ce long processus sont remarquables.
J’ai retrouvé le contact avec mes enfants grâce à de l’accompagnement avec mon intervenante de la Maison de Marthe. Elle m’a soutenue à travers cette démarche délicate et émouvante. Elle m’a accompagnée à mes rendez-vous avec la DPJ.
Je suis retournée à l’Université et au travail.
La plupart du temps quand il m’arrivait de nommer La Maison de Marthe et l’aide que j’y ai reçue, j’ai eu à faire face à de l’incompréhension et au mauvais jugement tant à l’Université, au travail, à travers les soins de santé, dans mon milieu de vie, le système de Justice et la DPJ.
À l’extérieur de La Maison de Marthe, énormément de gens ont peur de voir la réalité qui nous entoure au niveau de la prostitution et malheureusement plusieurs professionnels ne savaient pas de quoi il en retourne. Je me souviens d’une psychiatre qui m’a demandé sur un ton très agressif et cela des années après ma sortie de la prostitution : « Pourquoi as-tu fait de la prostitution ??? » et «Tu ne cherches qu’à attirer l’attention», alors que je consultais en urgence pour un état dépressif. Je lui ai répondu : « Alors, madame, sachez bien que ce n’est pas simple du tout…», mais elle ne m’écoutait pas du tout et avant que je puisse répondre elle posait une autre question. Son entretien a été très bref. Comment est-ce que je peux faire confiance à ce genre d’intervention où je me suis sentie mal jugée et mal aidée ?
Je souhaite pouvoir faire davantage confiance aux professionnels de notre société. À suivre…